
N’en riez surtout pas, car la question n’est pas aussi saugrenue qu’elle n’y parait. Poursuivons nos interrogations donc. Est-ce qu’on ment pour protéger quelqu’un ? Serait-ce pour éviter un conflit ? Ou juste parce que cela nous arrange ? Le plus cocasse dans tout cela, c’est que derrière chaque mensonge se cache une intention, un besoin. Et ces choix, qu’on le veuille ou non, en disent beaucoup sur nous...
Dans notre société, on a, aujourd’hui, du mal à faire la part des choses entre le mensonge et la vérité. Certains estiment qu’on peut être tenté de ne pas dire la vérité par crainte de blesser l’autre. Cependant, ne pas la dire, ou bien mentir, c’est trahir la confiance que l’autre peut avoir en nous, et parfois reculer pour mieux sauter quand la vérité émerge après coup.
Entre vérité et mensonge, y a-t-il un juste milieu ? Peut-on dire les choses sans blesser l’autre ?
Savoir s’il faut dire la vérité ou bien la cacher est une question dont la réponse n’est pas toujours simple, surtout lorsqu’elle concerne une personne importante à nos yeux : membres de la famille, amis, collègues… Nous sommes alors pris entre le risque de blesser l’autre et celui de trahir sa confiance. Lorsque nous taisons la vérité à un proche, posons-nous la question de savoir si nous ne nous donnons pas bonne conscience en nous disant que c’est pour le protéger.
En effet, c’est parfois pour nous protéger nous-mêmes de la peur (peur de la réaction de l’autre, peur du conflit, de ce qu’il va penser de nous) que nous pouvons être amenés à mentir. Il peut également être tentant de dire à l’autre ce qu’il veut entendre pour le brocarder après.
Dualité, vous avez dit dualité ? Prenons par exemple le cas du philosophe Emmanuel Kant avec sa rigidité légendaire. Pour lui, le mensonge, c’est le mal absolu. Il faut donc dire la vérité quoi qu’il arrive, car pour Kant mentir, c’est trahir la confiance qui lie les gens. De l’autre côté, nous avons l’écrivain Benjamin Constant. Selon lui, si votre mensonge sauve une vie, alors il est justifié. Et c’est ce que certains qualifient d’éthique des conséquences : ce n’est pas l’intention qui compte, mais l’effet réel de l’action.
Dans la vie, on adore se dire qu’on est du côté de la vérité. Mais essayons d’être objectif : qui dit tout ou ose tout dire ? Ce qui parait sûr, c’est qu’on choisit souvent de dire une vérité « habillée », polie, ajustée pour ne pas heurter. Mais est-ce encore la vérité ? Ou déjà une forme de mensonge ? La frontière est, comme vous le constatez, très fine. Le mensonge ce n’est pas juste « le mal », et la vérité ce n’est pas toujours « le bien ». C’est beaucoup plus subtil que ça. Dans nos vies, ces deux forces jouent un rôle, comme des partenaires de danse un tantinet maladroits parfois, mais indispensables.
On ment pour protéger, on dit la vérité pour blesser. On ment pour soi, on dit la vérité pour l’autre. Tout cela est profondément humain, pour autant vous ai-je dit toute la vérité dans cette chronique ? Sans vous mentir, je ne saurais le dire. Mensonge innocent ou vérité diplomatique ? Oups, il y a de quoi donner sa langue au chat dans cette histoire de vérité et de mensonge…

vision, sagesse
Salif Sanogo
