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Une semaine après la dénonciation de l’Accord de paix d’Alger, Ibrahim Harane Diallo, journaliste, politologue et chercheur à l’Observatoire sur la prévention et la gestion des crises au Sahel, explique les raisons qui ont favorisé cette dénonciation et propose des pistes pour garantir la paix et la stabilité au Mali. Entretien.

Mali Tribune : Êtes-vous surpris de la dénonciation de l’Accord de paix par Bamako ?
Ibrahim Harane Diallo : Nous n’avons pas été surpris par cette décision même si nous la trouvons un peu inquiétante dans la mesure où tous ceux qui ont suivi de très près ces dernières années l’évolution de l’actualité politique et sécuritaire du Mali savaient que cet Accord n’avait pas un grand avenir.

Depuis l’avènement du gouvernement de Transition dirigé par le Premier ministre Choguel Maïga, on savait que cet Accord ne pouvait pas avoir de beaux jours dans le futur, dans la mesure où le chef du gouvernement de Transition a eu à déclarer devant les membres du Conseil national de Transition que l’Accord en l’état ne pouvait pas être appliqué d’où sa phrase célèbre :  »la mise en œuvre intelligente de l’Accord. »
Au-delà de cet aspect, il y a aussi le contexte du départ de la Minusma qui jouait un rôle extrêmement important en termes non seulement d’interposition entre les deux parties, mais aussi en matière de soutien politique et économique par rapport à tout ce qui est effort pour la mise en œuvre de cet Accord-là. Mais au fil des années, la situation s’est complètement détériorée entre les parties sur des points. Notamment la rétrocession des emprises que la Minusma occupait au niveau de Ber, Tessalit et d’autres localités du Nord. A Ber, les groupes armés ont déclaré officiellement qu’ils ne reconnaissent plus cet Accord.
L’objectif de cet Accord, était justement de faire en sorte que les parties puissent régler la crise par le dialogue. A partir du moment où les parties ont fait recours à la force pour résoudre les problèmes, ça veut dire déjà que l’Accord n’a plus sa raison d’être.
Cependant, la nouvelle offre du président de la Transition, à travers le dialogue direct inter-malien est une réelle alternative à l’Accord pour la paix même, si l’offre a été rejetée par certains membres des mouvements armés.
Mali Tribune : Dans ce contexte, les ex-rebelles n’ont-ils pas raison quand ils affirment que le dialogue inter-maliens lancé par le président Goïta, est une façon de prononcer la caducité définitive de l’Accord et de mettre la médiation internationale à la porte ?
I.H. D. : Oui. A ce sujet, les ex-rebelles avaient parfaitement raison. Ils avaient bien vu ce qui était en train de se dessiner. D’ailleurs tous les observateurs avertis avaient compris que cette nouvelle offre du président de la Transition s’inscrivait dans une dynamique de mettre fin à l’Accord de paix d’Alger. Parce que l’offre du président de la Transition est intervenue dans un contexte de belligérance avec la reprise de Kidal.
Mali Tribune : D’après les dires du porte-parole de la CMA, tous les canaux de négociations sont fermés. Il n’y a pas d’autres choix que de livrer cette guerre imposée par les militaires au pouvoir. Faut-il s’attendre dans les semaines, voire les mois à venir à une reprise des hostilités de la part des groupes rebelles de la CMA ?
I.H. D. : Oui. Il faut forcément s’attendre à la reprise des belligérances, de la violence entre les parties. Parce que si on se réfère aux différentes déclarations des ex-rebelles, on se dit que le problème n’a pas pris fin et qu’il faut s’attendre à tout moment à une reprise des hostilités. D’ailleurs l’ensemble de nos autorités prennent déjà au sérieux ces déclarations-là. Je suis persuadé qu’ils sont en train de se préparer par rapport à une toute éventuelle reprise de conflit.
Mali Tribune : Selon vous, comment éviter la reprise de la guerre entre les deux parties ?
I.H. D. : Après cette dénonciation de l’Accord, nous encourageons l’Etat à faire davantage d’efforts pacifiques et politiques pour garantir la paix et la stabilité au Mali. Certes, l’Accord de paix d’Alger a été dénoncé, maintenant tous les efforts doivent être concentrés autour de la nouvelle offre du gouvernement de Transition. L’Etat est le premier garant en matière de paix et de sécurité dans un État. Même les groupes armés doivent être protégés par l’Etat au moment où ils sont des Maliens.
Les groupes armés doivent aussi faire des efforts pour revenir à la table des négociations, pour conduire ce train de la paix et de la stabilité à bonne destination. Quant à l’Etat, il doit faire plus d’ouverture à la nouvelle offre pour que les acteurs de bonne volonté tant à l’échelle nationale et internationale puissent intégrer cette nouvelle offre.
Mali Tribune : La dénonciation de cet Accord aura-t-elle des conséquences sur le dialogue inter-malien ?
I.H. D. : Oui. Cette dénonciation de l’Accord pour la paix d’Alger pourrait avoir un impact sur la nouvelle offre de dialogue du gouvernement de la Transition dans la mesure où tous les groupes signataires de cet Accord ne sont pas en conflit avec l’Etat du Mali. Il y a certains groupes signataires ou certains sympathisants de l’Accord qui sont aujourd’hui des soutiens au régime de Transition.
En plus de cet aspect, cette dénonciation peut aussi renforcer la méfiance du côté des groupes armés signataires qui sont en conflit avec le gouvernement. Parce qu’ils peuvent dire que les militaires au pouvoir ont le pouvoir et les armés et ont mis fin unilatéralement à l’Accord donc l’Etat était signataire. Les groupes armés peuvent dire même qu’avec cette nouvelle offre de dialogue, un beau jour on peut se retrouver dans la même situation de dénonciation unilatérale.

Source : Mali Tribune

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